Voici 2000 ans naissait en Haute-Auvergne, pays aux pâturages fertiles, bien nommé "pays vert", l'histoire du Cantal, le doyen des fromages.
En Auvergne, fromage et terroir sont intimement liés, chacun marquant l'autre de son empreinte. Ainsi, les burons sont la trace visible et patrimoniale de la production fromagère dans le Cantal. Et de leur côté, le sol et la flore des montagnes donnent beaucoup de sa personnalité au fromage. Le caractère géographique et géologique très marqué des volcans d'Auvergne, conjugué à une pluviométrie élevée impriment aux sols cantaliens leurs particularités.
Leur richesse en acide phosphorique, en potasse et en magnésie, favorise le développement d'une flore abondante et originale. Réglisse, gentiane, anémone, acorit, saxifrage, arnica fleurissent dans les herbages lorsque les vaches arrivent dans les estives. Voici 2000 ans naissait en Haute-Auvergne, pays aux pâturages fertiles, bien nommé "pays vert", le Cantal, le doyen des fromages. Les difficultés de circulation liées au relief et au climat hivernal ont conduit les ancêtres des maîtres fromagers à fabriquer un fromage de report, de taille imposante, le Cantal, pour constituer une réserve de nourriture toujours disponible et un produit de négoce.
De nombreuses références historiques établissent La très longue histoire du Cantal. Pline l'Ancien, dans le livre XI de son "Histoire Naturelle" note que le fromage le plus estimé à Rome était celui du "Pays de Gabalès et du Gevaudan". Plus tard, l'Encyclopédie d'Alembert et de Diderot qui décrit la fabrication et l'histoire du Cantal, est illustrée par une planche gravée où figurent tous les instruments nécessaires à cette fabrication.
Les techniques ont évolué entre 1890 et 1900. Emile Duclaux, disciple de Pasteur, qui possédait une propriété à Marmanhac (Cantal) a largement contribué au développement de l'économie fromagère du Cantal en décrivant la fabrication et l'histoire du Cantal dans un traité resté célèbre, daté de 1893, intitulé "Principe de laiterie". Les premières laiteries industrielles, transformant le lait de plusieurs troupeaux, ne virent le jour qu'en 1910 sous l'impulsion de Charles Seroude. L'histoire du Cantal a marqué le rythme de la vie du pays pendant des siècles et continue aujourd’hui.
Ce rythme, c’est celui des saisons; celui de l'estive, qui conduit bêtes et hommes de mai à septembre vers les pentes herbues des monts du Cantal. C'est à plus de 1 200 mètres d'altitude qu'ils passeront ainsi 5 mois coupés du monde, à travailler dans les "burons", constructions de pierre de forme trapue, couvertes de lauzes, servant à la fois d'habitation, d'atelier de fabrication et de cave.
L'équipe des "buronniers" louée pour toute la durée de l'estive était chargée de veiller sur le troupeau, (et) d'assurer la traite et la fabrication du fromage. Il s’agit d’une équipe très organisée et surtout hiérarchisée : A leur tête, le "Cantalès " chargé de la traite et de la fabrication de fromage. Puis vient le vacher préposé à l'entretien du troupeau, et enfin, le boutillier qui s'occupe du nettoyage des ustensiles et de la préparation des repas. Le pâtre est un jeune garçon en apprentissage.
En septembre, c'était la "dévalade". Les fromages étaient descendus dans la vallée, et dirigés vers (les entrepôts d') Aurillac, lieu privilégié du commerce de la Haute-Auvergne. Une transaction âpre et serrée s'engageait alors entre le propriétaire et le marchand de fromage pour arrêter le prix de "l'estivade", nom donné à l'ensemble de la production.
Ce prix dépendait en grande partie de la qualité des fromages, fruit du travail des buronniers qui passaient alors un terrible examen. Malheur à ceux dont les fromages gâchés faisaient perdre le bénéfice escompté par le fermier : ils trouvaient difficilement à se louer pour la saisons suivante.
Pendant fort longtemps, la fourme de "Cantal" a servi de monnaie d'échange entre les régions viticoles du Sud de la France et la Haute-Auvergne. Un troc s'était naturellement instauré, barrique de vin contre pièce de fromage. Aujourd’hui encore, ces mêmes régions sont restées très attachées à l'histoire du Cantal.
Si quelques burons demeurent encore aujourd'hui en activité, la plupart des producteurs s'organisent aujourd'hui différemment pour ne plus s'isoler aussi longtemps. Mais pour autant, le principe de l'estive n'est pas abandonné. Les troupeaux profitent toujours pleinement de la richesse et de la diversité de la flore naturelle durant la belle saison.